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Une chapelle au sommet du Pic de Saint-Barthélemy

La chapelle au sommet, aujourd'hui ruinée, est attestée, sous des formes diverses, à plusieurs reprises dans les écrits anciens. Néanmoins, en ce qui concerne l'évolution de l'édifice, les dates de sa construction et de sa ruine, et même l'emplacement de cette chapelle, tout est très confus : il se pourrait même que la "chapelle" se soit progressivement dégradée en chapelle découverte, puis en un simple autel à ciel ouvert, protégé du vent par quelques vestiges de murs. En effet, dans les écrits anciens, on trouve les mots : "église" (latin et occitan), puis "autel" et "chapelle descouverte" (français), puis enfin "ruines". Essayons, s'il est possible, d'y voir un peu plus clair.

 

Emplacement:

La question de l'emplacement de la chapelle semble, de prime abord, la plus facile à traiter, puisqu'il est généralement indiqué dans les sources anciennes que la chapelle est située "au sommet de la montagne de Tabe". Néanmoins, en l'absence de vestiges clairs et convaincants, on est bien obligé de passer plusieurs hypothèses en revue, d'autant que même les sources anciennes sont parfois contradictoires. En toute généralité, si nous nous en référons aux diverses sources sur le sujet, il y a quatre ou cinq hypothèses plus ou moins plausibles pour l'emplacement:

1) au col du Trou de l'Ours;
2) sur le sommet du pic de Saint-Barthélemy, à proximité immédiate (quelques mètres) du rocher sommital (et du mât métallique actuel), en direction de l'Ouest;
3) sur le sommet du pic de Saint-Barthélemy, dans une sorte d'excavation à une trentaine de mètres du sommet en direction du Sud-Ouest;
4) Sur les rives de l'Etang du Diable;
5) Sur les rives de l'Etang des Truites.

Il me semble personnellement que l'hypothèse (1) est la moins sérieuse. Cette localisation au Col du Trou de l'Ours n'est mentionnée que par une seule source (Duhourcau, 1973, p. 393) : "Entre les sommets de Tabe et de Soularac, que sépare le Bas de l'Ourse, subsistent les ruines de la chapelle Saint-Barthélemy". Cette source est à la fois moderne, non motivée, et d'un auteur étranger à la région qui n'est peut-être pas le plus familier des lieux (voir notamment l'erreur assez grossière sur la toponymie du col du Trou de l'Ours). Tout ceci rend la source et la localisation proposée sujettes à caution. Rappelons que même si Duhourcau s'est rendu sur les lieux, à cette date (1973) il n'y a déjà plus de vestige clairement identifiable sur le terrain. De plus Duhourcau n'avance aucun élément pour étayer cette nouvelle localisation qui, dès lors, paraît un peu "sortie du chapeau". Notons également que cette zone "entre les sommet de Tabe et de Soulkarac" est assez étroite et escarpée, ce qui est difficilement compatible avec la tenue de cérémonies et de rassemblements, par opposition aux autres localisations possibles, relativement aplaties et couvertes de pelouses. Enfin, quiconque se rend physiquement au col du Trou de l'Ours est obligé de constater sur place qu'il n'y a absolument rien qui puisse s'apparenter à des "ruines qui subsistent". Finalement, cette localisation vers le Col du Trou de l'Ours doit, semble-t-il, résulter d'une erreur.

Si on écarte ce premier emplacement, il faut ensuite tenter de discriminer entre les localisations au bord d'un étang et les localisations au sommet du pic de Saint-Barthélemy. Là, les choses s'embrouillent passablement, car même les sources contemporaines de l'édifice (celles qui le mentionnent au présent) sont divisées.

Un emplacement "sur les rives de l'étang", correspondant aux emplacements (4) ou (5) ci-dessus, est mentionné par Astruc, 1737 ("& sur les bords de ce lac une Eglise bâtie sous l'invocation de S. Barthelemi"), tandis que le récit d'Olhagaray (1609) est peu précis pour ce qui est la localisation exacte, et peut à la rigueur être compatible avec un emplacement près du lac. Cependant, ces deux écrivains (l'un languedocien, l'autre béarnais) n'ont très probablement pas fait le déplacement sur place pour vérifier de leurs yeux les faits qu'ils rapportent. De plus, les anciens font couramment la confusion entre "sommet" et "zone sommitale" dans un sens assez large, c'est à dire tout le cirque glaciaire, avec les lacs et ses abords. L'impression générale qui se dégage de ces sources peu précises semble toutefois faire pencher pour une localisation au sommet, notamment à cause l'association avec les autres rites (cendres, lever du soleil, zone "au-dessus des tempêtes", ...). Toutes les sources du XVIIe et XVIIIe siècle présentent cette imprécision pour la localisation (Hélie, Fabre, Coulon, ...) Ces éléments sont donc de faible poids par rapport à ceux qui placent la chapelle au sommet du pic, d'une façon beaucoup plus spécifique.

En effet, entre 1316 et 1672, nous avons toute une série de sources qui établissent formellement la chapelle au sommet.
Tout d'abord, il y a un titre de reconnaissance de 1316, original en latin sur parchemin où se trouve la mention:

[...] a dito montes versus ecclesiam beati anastasi [...]

puis une série de copies certifiées conformes d'extraits de titres de reconnaissances en occitan dont les originaux sont datés respectivement de 1405, 1489 et 1535. Malgré de probables erreurs de transcriptions çà et là, de la part des copistes du XVIIe siècle, ces actes mentionnent à chaque fois sans ambiguité la chapelle Saint-Anastase comme localisée au sommet, et constituant une limite sur la crête frontière entre comté de Foix (lordadais) et les terres du seigneur de Mirepoix. Ces sources mentionnent d'ailleurs une "croix des deux seigneurs" typique des confins de territoires seigneuriaux ou episcopaux ("...l'église saint-Anastase en laquelle est la croix des deux seigneurs de Lordat et de Mirepoix...").
En 1672, un dénombrement du Comté de Foix mentionne également "la chapelle de Saint Anastase, qui est sur le sommet de la montagne de Tabe, ou le Lordadais confronte avec la seigneurie de Mirepoix,..."

Extrait du parchemin de 1316 (source AD31, côté 8B 125, n°6).
Reconnaissance du seigneur de Lordat à Roger de Foix, indiquant les limites du lordadais.
ligne 1 : Anno domini millo trescentesimo sextadecimo ...
ligne 8 : "lasur et montes et valles et forestas consonias et de tabo et casenavac locum confrontans com montibus
montesforcati quonprendo a dito monte versus ecclesiam beati anastasi et com montibus mirepicensibus
versus fontem album et com montibus tabum(?) bordum et lusonacum et quidand habeo tenet ..."
(cliquer sur l'image pour l'agrandir)


 

L'intérêt de ces dernières sources tient dans leur valeur juridique (opposable), ce qui les rend beaucoup plus fiables que des récits, chroniques ou essais sans réelle valeur probatoire. Il semble donc faire peu de doute que la chapelle se trouvait directement au sommet du pic de Saint-Barthélemy, les quelques sources discordantes étant sujettes à caution. Examinons donc les emplacements (2) et (3) au sommet du pic.

Ce qui pourrait plaider pour l'emplacement (2), juste à quelques mètres du rocher sommital en direction de l'ouest, c'est l'aspect artificiel très prononcé. Il y a là une sorte de chaos de grosses pierrailles éboulées au fond d'une petite cavité aux parois grossièrement verticales. Mais ce qui frappe le plus, ici, c'est la présence d'une lourde pierre très allongée, grossièrement parallélépipédique, qui repose en ses extrémités sur deux pans de rochers verticaux. Cela suggère fortement un linteau de porte, quoique très surbaissé, donnant vers le Sud-Sud-Ouest et qui ouvrirait donc sur la petite cavité aux parois verticales encombrée de pierraille. C'est probablement à cet empilement que se réfère Moulis lorsqu'il parle des "débris d'un curieux dolmen qu'on a pris jusqu'à ce jour pour les ruines d'une ancienne chapelle" (Moulis, 1936, p. 26). Il est cependant difficile de dire si cet empilement en forme de linteau est naturel ou non. Un ami architecte, examinant la chose me confia qu'il penchait pour une origine artificielle. Cependant, à l'examen, on ne trouve pas de trace de mortier, ni de pierre clairement taillée de main d'homme. En revanche, ce qui ne plaide pas pour placer la chapelle ici, c'est que passé ce linteau très abaissé (il eut fallu, semble-t-il, pénétrer presque en rampant ou à genoux !), l'espace intérieur serait ridiculement exigu : à peine la place pour deux personnes debout, mais sans la hauteur suffisante pour se tenir debout ! Peut-être faut-il simplement voir ici les vestiges d'une partie de l'autel à découvert mentionné par certains auteurs.

En ce qui concerne l'emplacement (3), à une trentaine de mètres du sommet, les vestiges, en l'état actuel, bien que visibles, sont assez difficiles à identifier au premier coup d'oeil comme étant artificiels. Ils consistent en une sorte d'excavation (ou plutôt de dépression) dans le terrain, recouverte de la même herbe que les pentes environnantes. Cette dépression est de forme plus ou moins rectangulaire, d'environ 2,50 m sur 4 m, et sa grande longueur est orientée à peu près vers l'Est, avec l'ouverture à l'ouest, comme il se doit pour une chapelle. Les bords Nord et Est de la cavité (ainsi que le bord Sud dans une moindre mesure), sont partiellement excavés dans le socle rocheux, sur une hauteur de un à deux mètres, selon les endroits. Les parois de l'excavation sont approximativement verticales. La partie la plus haute des parois est l'angle Nord-Est, en raison de la pente puisque l'édifice est construit dans le Sud-Ouest du sommet du Pic. Il ne reste pas de trace de quelconques bases de murs (en pierre sèche ou maçonnés) en continuation de la partie supérieure des parois rocheuses excavées, ni de trace de mortier. Le fond de l'emplacement délimité par ces parois n'est pas plat, mais tout encombré de blocs de pierre, entre lesquel l'herbe pousse. Il semble tout de même que plus les parois rocheuses verticales sont élevées, moins l'épaisseur des blocs éboulés à l'intérieur est grande. En d'autres termes, le niveau du sol, bien qu'irrégulier, descend assez nettement lorsque l'on part de "l'entrée" (à l'Ouest) pour aller vers le fond (à l'Est), de façon compatible avec un éboulement possible du matériau des murs vers l'intérieur du trou. Ainsi placée, du côté sud de la crête frontière, la chapelle Saint-Anastase (qui deviendra plus tard chapelle Saint Barthélemy) serait sur les terres du lordadais, offertes en 1075 à l'abbaye de Cluny, dont l'abbé de l'époque, Hugues de Semur (Saint Hugues), était le supérieur de Saint Anastase, et l'avait autorisé à venir vivre sur ce sommet en ermite. L'emplacement est donc logique aussi du point de vue des possessions religieuses.

En fin de compte, ce qui m'interpelle le plus, personnellement, en faveur d'une localisation au sommet du pic, ce sont ces innombrables débris d'ardoise qu'on peut trouver près du roc sommital. J'ai essayé de déterminer l'endroit où ces débris étaient les plus abondants, mais cela ne fut pas très concluant. Il y en a un peu partout, mais il me semble que la zone où il y a en le plus est située à quelques mètres du sommet, lorsqu'on se dirige vers l'Est (à la naissance du sentier qui descend vers les crêtes Nord et Est du pic). Ces débris d'ardoises, si nombreux, paraissent incongrus ici, car le terrain naturel n'en contient pas; ont-ils quelque chose à voir avec notre chapelle, ou sont-ils bien postérieurs, et liés par exemple à l'épopée de la géodésie ? Pour l'instant, ces questions restent des énigmes.

 

 

Tentative de reconstitution historique:

La plus ancienne mention d'un édifice à vocation sacrée au sommet remonte probablement au récit en latin de Galterius (Gautier ou Galtier), au début du XIIe siècle. Gautier relate la vie de son contemporain Saint Anastase, qui fut ermite au sommet, et qui y édifia un oratoire. Arnoux, 1995 donne une traduction du passage qui nous intéresse:

Laissant alors dans une église au pied de la montagne le frère
qu'il avait emmené avec lui, il la gravit seul et y construisit avec
des branchages une cabane étroite et un autel pour y offrir le
sacrifice...

Toutefois, on ne peut raisonnablement considérer que cet autel soit l'édifice mentionné ultérieurement comme "chapelle". Nous laisserons donc de côté cette source, nous bornant simplement à remarquer que la vocation sacrée de la montagne pour l'église catholique remonte à une très haute époque par la présence durant trois ans, du saint ermite que les fidèles venaient visiter de toute la région.
Ensuite, vient la série mentionnée ci-dessus de copies de chartes anciennes couvrant la période 1316-1535, et qui mentionnent l'Eglise Saint-Anastase au sommet du pic. La présence d'une chapelle en 1316, deux cent trente ans après la mort de l'ermite, pourrait laisser penser qu'après le miracle de Saint-Martin-d'Oydes et la béatification de l'ermite, une véritable chapelle ait été édifiée à l'emplacement de sa retraite, et que cette chapelle ait été instituée comme lieu de pèlerinage à Saint Anastase entre les XIVe et XVIe siècles. Il y a en effet sur le flanc sud du massif, le long des chemins qui montent vers le sommet, des toponymes "montjoies" ("Las Monjoyes", "La Minjoieta", "La Mounjoye"...) qui indiquent des bornes ou stations le long des sentiers de pèlerinage (Baby, 1980).
Ensuite, nous passons au XVIIe siècle. D'abord Olhagaray (1609), qui mentionne "une petite chapelle descouverte". Voici le passage du livre d'Olhagaray se rapportant à cette chapelle. Il s'agit du récit d'une aventure survenue au sommet dans la nuit du 23 au 24 août 1600:

"...Il y a une petite chapelle descouverte, où l'on va en ce temps là faire quelques dévotions, et une grande et notable assemblée ayant abordé et ayant allumé un feu au dedans de la chapelle, et ailleurs, commençant à passer la nuict, ou employer les ténèbres d'icelle, qui couvrait la plus grande partie de leurs desbordemens, en chants puants, parolles vilaines et lascives, voicy un tonnerre espouvantable du ciel, suivi d'esclairs et foudres qui tombe sur le feu allumé dans la chapelle; ce qui donna une grande frayeur à ceux qui estoient dedans : mais ce coup ne fut que l'avancoureur de plusieurs autres qui blessaient les uns en une part, les autres en une autre : et marqua on que le feu tomba du ciel en moins que demi quart heure cinq ou six fois, de quoy la plus part de ceux de la dévotion, peuvent rendre fidèle tesmoignage, comme en ayans porté des marques en plusieurs parties de leur corps. Si c'estoit une punition de Dieu sur ces personnes profanans et la religion et dévotion, par leurs excès et maléfices puans et désordonnés, ou un air enflammé par l'estang agité de quelque personne ignorante de ses propriétez, l'ayant provoqué et mis en fougue par quelque roc ou pierre qu'on y pouvoit avoir jetté, j'en fairray le jugement qui demeure encor indécis et aux Théologiens et sçavans philosophes de ce siècle, auxquels appartient la cognoissance d'une chose si merveilleuse... "

Au delà du caractère probablement fantaisiste de certains détails, il y a plusieurs éléments intéressants dans ce récit. Le premier, c'est qu'en 1600, la date de la "cérémonie annuelle" au sommet du Pic est déjà établie à la nuit du 23 au 24 août et la matinée du 24 août. Sachant que l'assemblée est "censée" se livrer à des dévotions à cette occasion, c'est nécessairement au saint du jour qu'elles sont adressées, donc à Saint-Barthélemy. Le pélerinage à Saint-Barthélemy est donc au moins aussi ancien que 1600, alors que le nom "Pic de Saint-Barthélemy" n'apparaît sur les cartes et dans les écrits qu'une centaine d'année plus tard.

Mais un autre détail curieux mérite d'être relevé: le "pélerinage" semble être d'une orthodoxie assez relative, eu égard aux canons de l'Eglise : d'une part le silence des cimes est troublé par des "chants puants, parolles vilaines et lascives", et d'autre part, l'auteur semble passer pudiquement ce à quoi sont employés les endroits où la lueur des feux ne suffit pas à éclairer les ténèbres de la nuit, qui couvre "la plus grande partie de leurs desbordemens". Le pélerinage semble encore, en 1600, fortement teinté d'un paganisme bien présent, probablement ancré dans la tradition depuis des temps immémoriaux. La pratique du feu allumé au beau milieu de la chapelle est également assez peu conforme à la liturgie ordinaire...

Enfin, la description de l'édifice sous la forme d'une "petite chapelle descouverte", n'a pas lieu d'être suspectée de fantaisie. Finalement, pour cette source, on conclura qu'en 1600, il y a une petite chapelle découverte au sommet, dédiée à Saint-Barthélémy, avec pélerinage le jour du saint.

La source suivante nous amène en 1672. Dans une charte en français contenant le dénombrement du comté de Foix, les limites de la châtellenie de Lordat sont décrites avec précision. La charte a été transcrite et publiée par C. Barrière-Flavy, 1881 (voir la page références). Le passage relatif à la crête du massif de Tabe est ainsi libellé:

... à Pech de
Cadenos, à pech Galinas et droit à la chapelle de
Saint Anastase, qui est sur le sommet de la montagne
de Tabe, où le Lordadais confronte avec la seigneurie de
Mirepoix...

D'après ce document, l'existence de la chapelle (couverte ou découverte) à cette époque est encore incontestable, puisque la chapelle est utilisée comme élément opposable dans un instrument juridique. Ce qui est frappant c'est la coexistence de la dédicace à Saint-Anastase (attestée de 1316 à 1672) et a Saint-Barthélemy (attestée de 1600 à nos jours). Pour Mare-Vène (1988) il semble que la chapelle soit placée sous l'invocation de Saint-Barthélemy sur le versant nord et sous celle de Saint-Anastase sur le versant sud.

La source suivante nous amène soixante-quinze ans après, au début du XVIIIe siècle, avec les écrits d'Astruc (1737). Voici le passage qui concerne la chapelle:

"... Il y a sur une haute montagne, appellée
Thabor, un lac très-profond, & sur les bords de ce lac
une Eglise bâtie sous l'invocation de S. Barthelemi. Les
habitans des lieux circonvoisins s'y rendent en foule
tous les ans le 24 du mois d'Août, comme ceux du Gé-
vaudan avoient accoutumé de se rendre tous les ans au
lac du Mont Helanus.
 Il est vrai que les gens du pais de Foix assistent aux
Messes qu'on célébre alors sur le Thabor non seulement
dans l'Eglise, mais même sur un Autel qui est à décou-
vert...

Voir sur les liens suivants la reproduction des pages 517 et 518) de l'ouvrage d'Astruc.

Cette source est troublante, puisqu'elle signale à la fois une (véritable) église située près du lac (l'Etang du Diable), et un autel à découvert situé " au sommet de cette montagne [...] au dessus de la région des pluies et des vents". Cet ouvrage d'Astruc est la seule source qui mentionne deux édifices situés à deux endroits distincts.

Ensuite, concernant le XVIIIe siècle, l'élément suivant est une mention, dans Duhourcau (1973), du fait que "la chapelle de Saint-Barthélemy était, jusqu'à la fin du XVIIIe siècle, le centre d'un pélerinage annuel dont l'origine remontait avant les débuts du christianisme". La source qui permet de dater ainsi la fin du pélerinage à la fin du XVIIIe siècle n'est toutefois pas mentionnée, et on ne sait donc pas si cette date est de l'invention de Duhourcau lui-même, ou tiré d'une source antérieure. Si Duhourcau est dans le vrai, on peut supposer que la chapelle couverte, si elle a existé, disparaît à peu près en même temps que le pélerinage, soit vers 1800 ou peu après.

Ensuite, il y a la source fournie par le récit de de Chausenque (1834), mais cette source paraît problématique: en effet, il semble que ce soit le Pic de Soularac qui ait été gravi par le pyrénéiste et que le Pic de Saint-Barthélemy n'ait pas été visité. En général, Chausenque signale toute oeuvre humaine dans les lieux où on ne l'attend pas. Il mentionne longuement la croix du sommet du Pic de Canigou (en essayant de la dater d'après son état peu oxydé), et plus proche, il mentionne également la croix érigée au Col de Lhers, lieu encore sauvage où nulle route ne mène. Mais alors si de Chausenque n'est pas allé sur la cime du Pic de Saint-Barthélemy, l'absence de mention d'une chapelle dans son récit ne signifie alors pas qu'il n'y a pas de chapelle.

Voici les éléments, qui font penser que de Chausenque a gravi uniquement le Pic de Soularac, bien qu'il baptise la montagne du nom de "Mont Saint-Bartélemy ou Pique de Tabe" ou encore, plus loin "pic Saint-Barthélemy", puis "pic de Tabe": Tout d'abord on trouve la phrase suivante "...Dans le massif de Tabe, dont le pic Saint-Barthélemy est le plus haut point...". Puisque Chausenque est monté là-haut, et étant donné ses dons d'observateur rigoureux, il faut donc déduire de cette remarque que dans son esprit, ce qu'il appelle "pic de Saint-Barthélemy" est en fait l'actuel Pic de Soularac. Ensuite, il y a l'initinéraire emprunté, par le Col de Marmare, et le pic de Caussou (c'est à dire l'actuel Pic Fourcat, 1929m, qui clôt le vallon de Caussou). Cet itinéraire mène directement au Pic de Soularac, et si l'on veut se rendre au Pic de Saint-Barthélemy par cet itinéraire, il faut passer d'abord par le Pic de Soularac et passer le Col du Trou de l'Ours, ce qui aurait été très probablement rapporté dans le récit. De plus, la mention qu'il fait d'attaquer le pic par la crête sud en terminant "plus haut, sur des saillies de roc entremêlées de neige", s'applique beaucoup mieux à l'arête SSE du Pic de Soularac qu'à celle du Pic de Saint-Barthélemy, qui est faite d'une falaise suivie d'une longue pente herbeuse entre le Pic des Bugarels et la cime proprement dite. Enfin, Chausenque décrit ainsi la face nord: "...Sur sa face du nord, comme au Pic du Midi, la cime est profondément déchirée jusqu'à deux combes séparées par une arête en ruines...". Cette description s'applique encore beaucoup mieux aux 300m d'à-pic de la face nord du Pic de Soularac, effectivement très rocheuse et abrupte, qu'à celle du Pic de Saint-Barthélemy, largement herbeuse et s'étirant nonchalament en une longue crête aplatie et arrondie. En conclusion, il faut penser que de Chausenque n'a pas gravi le Pic de Saint-Barthélemy mais seulement le Pic de Soularac, et donc que l'absence de mention d'une chapelle dans son récit ne signifie pas qu'il n'y ait pas de chapelle à cet endroit, à cette époque. Cette source ne permet donc pas de nous renseigner sur ce sujet.

Pour Marcailhou d'Aymeric (1898), on trouve le passage suivant: "... Le christianisme trouva ces superstitions enracinées dans l'esprit des habitants de la montagne, et ne pouvant les détruire, il les transforma. Il consacra le nom de Tabe à Saint-Barthélemy, le saint que l'on invoquait au Moyen-Age pour être préservé des orages, et dont la fête se célébrait d'ailleurs au moment de l'année le plus favorable pour l'honorer sur le sommet. Une chapelle y fut donc élevée et l'on y disait le 24 août, des messes accompagnées de bénédictions spéciales. La chapelle a disparu depuis longtemps, trois ou quatre siècles peut-être, et presqu'aucune trace ne s'en aperçoit aujourd'hui...". De cette source, nous ne pouvons pas tirer grand-chose, puisqu'elle est faite surtout de conjectures et d'hypothèses non vérifiées, et ne fournit aucune datation précise. Nous n'en saurons donc pas plus pour cette toute fin du XIXe siècle, sinon qu'en 1898, il ne subsite presque plus de trace de l'édifice (couvert ou non).

Les indications suivantes sont de source cartographique. Les cartes d'Etat Major depuis les origines (environ 1850) jusqu'à la fin du XIXe siècle indiquent toutes : "chapelle de Saint-Barthélemy". Ensuite, vers le début du XXe siècle, on passe à l'indication "Chapelle de Saint-Barthélemy Ruines" (rapportée par Marcailhou d'Aymeric et sur la carte au 1/100000e du Ministère de l'Intérieur), pour terminer enfin, sur l'édition 1930 de la carte d'Etat Major, par la simple mention "Pic de Saint-Barthélemy". Ces éléments sont-ils signifiants ? difficile à dire, mais en tout cas, il sont difficiles à concilier avec les autres sources, si on se place dans l'optique d'un édifice couvert. En revanche, si on suppose que subsiste une chapelle découverte au XIXe siècle, il est possible de réconcilier ces diverses sources. On aurait alors une chapelle découverte qui serait abandonnée comme lieu de culte vers la fin du XVIIIe siècle, et qui tomberait peu à peu en ruines vers le milieu ou la fin du XIXe siècle.

Enfin, on remarquera, pour l'anecdote, que certaines cartes, même très récentes, portent l'indication "chapelle" au sommet. C'est notamment le cas pour la Carte Taride (1925) et pour la carte Blay-Foldex (2002)! Mais dans ces cas, il s'agit évidemment d'erreurs manifestes.

Après cette incursion dans les données cartographiques, revenons vers les sources écrites, qui nous amènent au XXème siècle. Evidemment, plus rien de nouveau puisque les vestiges ont disparu. Pour Belloc, 1904 (de Fontestorbes au Massif de Tabe),

... Au sommet du pic on aperçoit encore les restes, très
anciens d'un édifice religieux où l'on pratiquait autre-
fois des cérémonies singulières...

Quant à Moulis, il semble se contredire d'un ouvrage à l'autre. En 1936, il ne croit pas à l'existence d'une chapelle, puisqu'il écrit:

... Enfin, le pic de Saint-Barthélemy
(2349 m) est couronné par les débris d'un curieux
dolmen qu'on à pris jusqu'à ce jour pour les ruines
d'une ancienne chapelle

En 1967, il a changé d'avis :

Quand on arrive au sommet du pic de Saint-Barthélemy,
on est tout surpris de ne pas apercevoir les vestiges de l'ora-
toire que signalent les cartes. Mais en examinant attentive-
ment les lieux, on distibgue quelques fragments de murs qui
apparaissent au niveau du sol et qui donnent une idée de la
modestie de cette ancienne construction...

 

Conclusions:

Pour l'instant il est assez difficile de démêler avec un bon degré de certitude le fil de ces divers témoignages du passé en vue de comprendre la nature véritable de l'édifice et son évolution au cours des siècles. Ce qui semble indéniable, c'est qu'un lieu de culte, appelé "Eglise" et "chapelle" a bien existé au sommet du pic après la mort de Saint Anastase. Cette chapelle était probablement couverte. Elle a pu l'être soit de tuiles, soit, moins probablement (étant donné sa taille) de pierres sèches en fausse voûte, sans charpente comme pour un orri. Mais le mode de couverture le plus plausible, si on accepte l'hypothèse d'un édifice avec charpente, est l'ardoise : son faible poids relatif plaide pour elle, ainsi que les débris et miettes d'ardoise qui se trouvent en abondance au sommet sans autre explication valable. Les sources et récits suggèrent que l'on est progressivement passé d'une véritable chapelle, à une chapelle découverte (toiture emportée par un orage ou une tempête à date indéterminée ?), puis aux ruines ou aux vestiges d'une chapelle, avant que la trace ne s'en efface complètement sur le terrain.

 

Sources et références

 

Sources: Olhagaray (1609), Astruc (1730), de Chausenque (1834), Marcailhou d'Aymeric (1898), Moulis (1936), Cartes d'Etat-Major (1850-1930), Carte Taride (1925), Duhourcau (1973), Carte Blay-Foldex (2002).

 

Références: Pour les références complètes, liens et extraits de ces ouvrages et cartes, voir la page Références bibliographiques et cartographiques

 

Autre référence: http://www.histariege.com/montferrier.htm

 


Page mise à jour le 25/09/2012.